Feuille blanche…  à Pascal Vilcollet

Ni trop, ni trop peu

Feuille blanche… est un cycle d’expositions annuel, d’un format inédit, offrant à un créateur, un artiste, un galeriste, un musicien, un commissaire d’exposition… d’ouvrir une fenêtre sur son rapport à la création contemporaine, en invitant d’autres artistes à investir l’espace de la Galerie Antoine Dupin.

Pour cette première édition, nous sommes heureux que le plasticien Pascal Vilcollet, ait accepté, avec enthousiasme, de se prêter au jeu.

Pascal a ainsi conçu l’exposition Ni Trop, Ni trop peu et nous propose de découvrir le travail de :

Valentin Van der Meulen - Daniel Mato - JC Earl - Martin Palmyre

Ni trop, ni trop peu

Il est parfois salutaire de suspendre le cours des choses, de faire taire l’agitation, pour se laisser traverser par des formes, des couleurs, des matières.
Cette exposition réunit cinq artistes, dont les œuvres dialoguent avec une élégante subtilité, tissant un récit pluriel où la peinture, le dessin et la terre se répondent sans jamais s’imposer.

Il ne s’agit pas ici de simplement regarder, mais bien de ressentir, de s’amuser, de se laisser apprivoiser par les émotions — parfois tendres, parfois vives, toujours justes.
Le fil conducteur ? Une promenade sensible, presque enfantine, où la fantaisie flirte avec la régression, discrète ou assumée.

Ces artistes ne s’en tiennent pas à une simple représentation : chacun pose un regard singulier, une technique maîtrisée, un geste pensé.
Leurs univers se croisent sans jamais se heurter, dessinant un équilibre graphique d’une rare cohérence.
Ensemble, ils composent une polyphonie visuelle à la fois poétique et accessible, touchante et malicieuse.

Il serait tentant de tout intellectualiser. De chercher le sens caché, la référence, la grille de lecture.
Mais ce serait manquer l’essentiel : cette exposition est d’abord une invitation à la beauté, à la légèreté, au sourire.
Car oui, l’art peut aussi consoler, émerveiller, faire du bien — et c’est déjà beaucoup.

Pascal VILCOLLET

Valentin Van Der Meulen

« C’est dans sa capacité à conjuguer le projet graphique à l’image choisie que Valentin van der Meulen révèle sa maîtrise du dessin : la même force qui se dégage du dessin se trouve dans le geste et le regard. Souvent les dessins de sculpteurs témoignent de leurs manières de traiter la pierre, le bois, l’on pense ici à Baselitz ou Dodeigne. Un même poids de la main s’imprime dans la matière. Valentin van der Meulen n’est pas sculpteur, pourtant son dessin parvient à conférer à l’image une présence tangible dans l’espace »

Paul Hervé Parsy
Ancien directeur Château D’Oiron et des Collections du Centre Georges Pompidou.

Valentin van der Meulen est représenté depuis plusieurs années par des galeries en France et à l’étranger. Son travail est présent dans plusieurs collections publiques et privées comme le Musée des Beaux-arts d’Orléans, la Collection Société Générale, la Fondation Vasarely ou la Fondation Francés. On a pu découvrir son travail dans des expositions institutionnelles telle que « Bribes » à la Maison des Arts de Malakoff, « Untitled » au Chateau de Bussy Rabutin en collaboration avec le centre des Monuments Nationaux, ou encore « Free » au Drawing Lab à Paris.

Par la remise en question du récit, son travail interroge les limites de l’image et du dessin à travers les notions d’altération, d’espace, de temps.

Daniel Mato

La peinture serait-elle soluble dans la couleur ?

Cette question a priori dénuée de sens, l’œuvre de Daniel Mato semble la poser de tous côtés avec ses agencements flottants, presque instables parfois, ou en tout cas potentiellement mouvants, qui reposent sur une extrême économie de moyens, une science consommée de la rencontre fructueuse et une patiente pratique de l’étalement.

Étaler la peinture. Étaler sur une toile brute et sans apprêt aucun des jus très liquides et sans densité, dans la mesure où la matière est quasiment dépourvue de toute matérialité. Depuis le fond de la toile semblent alors émerger à la surface des zones chromatiques sur lesquelles repose l’ensemble du tableau, après qu’elles soient allées glisser avant de se figer dans des formes simples, tout à la fois évocatrices et jamais véritablement définies.

Même si c’est bien du geste et de la volonté de l’artiste que dépendent la mise en œuvre, la régularité géométrique ou la sinuosité fantasque de tel ou tel espace de couleur, on aurait des difficultés à qualifier ces tableaux de compositions; on les verrait plutôt comme des conséquences du croisement, du frôlement, du flirt, du carambolage ou de la confluence. Une caractéristique qui tient précisément des qualités constitutives de cette peinture, où le peu voulu et revendiqué ouvre vers des voies presque infinies de dialogues ou de conversations, tant l’économie liquide ici à l’œuvre génère une transparence constructive.

Car si par le jeu de la surimpression la couleur engendre elle-même de la couleur, celle que l’on a dite dénuée de poids ou de densité en acquiert finalement, ce qui contribue à lui permettre d’insuffler de la vie au tableau.

Il est en effet frappant que malgré l’extrême précision résultant d’une longue et patiente élaboration, il y a quelque chose d’une immédiateté dans cette peinture, tant l’œil peine à la percevoir comme une image stoppée ou figée. Cette immédiateté serait donc consécutive à une relative instabilité de l’ensemble, comme si l’assemblage une fois achevé avait conservé une capacité potentielle à glisser subrepticement, à naviguer dans l’espace du plan, à s’échapper des limites, à déjouer les contraintes, à couler encore... la liquidité toujours.

Mais pourtant la peinture «tient». Elle tient car sa légèreté et sa fragilité mêmes sont paradoxalement assumées dans la manière assurée avec laquelle sont appliquées les couleurs. Elle tient surtout car, qu’il s’agisse d’un ensemble de motifs anguleux et un peu sages ou, à l’inverse, d’un déferlement plus souple et lyrique pouvant donner la sensation d’être incontrôlé, toujours l’assemblage impose un rythme, des lignes invisibles, des éléments de tension entre les différents « caractères », qui tous participent de la constitution d’un tout et lui assurent une cohérence d’ensemble.

Avec in fine cette formidable contradiction : dans la peinture de Daniel Mato, la dilution participe activement de la construction.

Frédéric Bonnet - juillet 2020

JC Earl

Les références populaires, ainsi que les marques de luxe et de sport, s’affichent ostensiblement. La statuaire de JC Earl et ses peintures ironiquement triomphales s’inspirent de diverses influences, allant de l’iconographie hip-hop du Paris des années 90 à ses nombreux voyages en Afrique.

JC Earl présente un univers brut et magistral, à l’esthétique naïve, où la mascotte de Ralph Lauren et les cavaliers en réinsertion sociale des écuries de « Fletcher Street » ne font plus qu’un. Sa fascination pour les photographies de Mohamed Bourouissa donnera naissance à une série de joueurs de polo esseulés, des Don Quichotte urbains, vagabondant et arborant fièrement les stigmates d’une classe populaire. Leur représentation abrupte illustre, avec dérision et désenchantement, les excès et pratiques de ces conquistadors du néant.

Sa production prolifique donne vie à des chimères contemporaines telles que des coursiers sur des chevaux à roulettes ou des basketteurs jouant au polo, des clins d'œil à sa vie passée et à ses souvenirs d’enfant fantasmés. Les imperfections apparentes sur certaines œuvres rappellent les cicatrices de leur auteur, dont l’humour et le second degré irrésistibles lui permettent aussi de se jouer des codes de la céramique et de la peinture contemporaine, sans jamais les abâtardir. C’est avec une aisance naturelle et un lâcher-prise insolent que l’artiste raconte ses antihéros, grâce à une écriture brute et remarquable, mais avec une subtilité dont il a le secret.

Pascal Vilcollet

Martin Palmyre