Tant que le loup n’y est pas

La dissimulation, l’imitation, la mimesis, le camouflage… Autant de synonymes pour désigner la nécessité, le besoin ou l’envie de se cacher, de disparaître, voire de se perdre…

La forêt et les sous-bois sont le terrain de jeu privilégié de tout ce qui cherche à échapper au regard. Qu’il s’agisse d’échapper à un prédateur ou au contraire de traquer sa proie, nombreuses sont les raisons de chercher à se confondre avec la nature. De l’insecte à certains animaux, du chasseur au soldat, du réfugié au survivaliste, toutes les stratégies sont possibles…

C’est sur cette idée de simulation de la nature que Théophile BRIENT a choisi d’axer une part importante de son travail depuis 2019. Inspiré autant par les artistes appelés à créer des camouflages pour l’armée lors de la première guerre mondiale, comme Auguste Herbin, que par les affuts de chasse moderne, il a choisi de créer sa propre mimesis, sa propre imitation de la nature et de la forêt. Celle-ci est en effet devenu le symbole flagrant de l’effondrement actuel de la nature, autant que du « besoin » de nature de certains occidentaux, mais également le dernier abri pour les personnes entrées en résistance, en fuite ou en exode. Les forêts de tentes ou de cabanes des camps de réfugiés, comme celui de Moria, sur l'île grecque de Lesbos, auquel Théophile a consacré un film en 2023, ou la jungle de Calais, forment d’ailleurs une « forêt-refuge » pour ses habitants.

Pour l’exposition Tant que le loup n’y est pas, l’artiste a choisi de rejouer la nature par le truchement de la photographie et du dessin. La nature est prélevée, recomposée, et fixée sur papier teinté au cyanotype - à la manière des botanistes du XIXe siècle - avant d'être rehaussée de couleurs, d'ombres et de lumières au crayon dans une technique volontairement classiciste, s’inspirant et détournant ainsi la volonté des impressionnistes d’aller saisir la nature en extérieur, en la recréant dans son atelier.

Les médiums se mêlent à se confondre, dans un réalisme étrange, pour extraire la nature de son habituel rôle de fond de scène pour l'humain. Il s'agit ainsi de ramener un extrait de forêt, bois ou bosquet au premier plan, resserré sur le détail, afin d’en faire le personnage principal. Théophile BRIENT semble ainsi vouloir recréer une nature idéale.

Toutefois, ces extraits de bosquet sont tantôt rehaussés de grillages percés ou de barbelés, signe que les forêts sont aujourd’hui plus que jamais des lieux privilégiés des déplacement de population, nous ramenant immédiatement à une réalité brutale, tantôt de lucioles. Celles-ci, loin de ne former que des sources lumineuses oniriques, sont en réalité une geste pasolinienne, évoquant évidemment la disparition de la nature, mais aussi et surtout nos souvenirs d’enfance, souvenirs fugaces, qui ne peuvent que s’estomper peu à peu.

Pour Tant que le loup n’y est pas, Théophile BRIENT présente également une série de dessins préparatoires pour une installation recréant une forêt au sein même de la galerie Antoine Dupin.